PROGRAMME DU SÉMINAIRE GÉNÉRAL 2024
Le séminaire général (2024-2030) a vocation à retrouver une langue commune aux Sciences Humaines et Sociales (SHS) autour des catégories fondamentales de la vie en commun : le droit, l'économie, la science, la religion, la technique et l'esthétique. Chaque année étant dédiée à l'une de ces catégories, l’année 2024 porte sur la dimension juridique.
Ce séminaire annuel thématique s'organise autour de séances régulières, un vendredi après-midi par mois, de 14h à 17h, en salle 104 du château du Tertre (suivi à distance possible).
TEMPS DE PROBLÉMATISATION
L’enjeu de cette première séance de l’édition 2024 tient à introduire les participants au cadre général proposé en vue de reposer le problème du sens du droit sitôt que l’on se distancie du sens commun libéral et des mythologies juridiques modernes qu’il charrie. Ces dernières séparent en effet le droit de la société, à mesure qu’elles le réduisent à la loi et à un instrument du pouvoir symbolique de l’État. Elles dénient ainsi tant l'historicité du droit que la pluralité de ses sources, soit autant de frontières à franchir pour en recouvrer le sens social.
Plan de la séance
- La solidarité comme aspiration indissociablement politique et académique (Sébastien Urbanski)
- Solidarité historico-catégorielle des SHS et défis de l’intégration (Johan Giry)
- Échanges suivant les présentations de S. Urbanski et J. Giry
- Le droit en deçà et au-delà de la loi : Paolo Grossi et la problématisation de notre imaginaire juridique (Francesco Callegaro)
- Repenser le droit (et la société) au-delà de la doxa moderne. L’apport de Paolo Grossi (1933-2022) (Gildas Renou)
- Échanges suivant les présentations de F. Callegaro et G. Renou
Textes d’appui
- Paolo Grossi, Prima lezione di diritto, Rome - Bari, Laterza, 2003, extraits choisis et traduits.
- Paolo Grossi, “Éclaircissements préliminaires”, in L’Europe du droit, traduit par Sylvie Taussig, Paris Seuil, 2011, p. 13-19.
- Paolo Grossi, “Itinéraires contemporains : la confrontation des anciens et des nouveaux modèles”, in L’Europe du droit, traduit par Sylvie Taussig, Paris Seuil, 2011, p. 233-270.
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Cette deuxième séance vise à prolonger l’effort collectif de problématisation du droit entamé la fois passée, sur la base des leçons de Paolo Grossi, par la mise en discussion d’une hypothèse de travail cardinale, appelée à orienter les échanges le restant de l’année. Cette hypothèse considère que les débordements de l’ordre juridique moderne par le droit social survenus avec l’entrée en crise du libéralisme, dès la fin du XIXe siècle, trouvent un pendant dans notre présent critique. Marqué quant à lui par les limites cuisantes de l’idéologie néolibérale, ce dernier donne à voir et à penser de nouveaux débordements du droit officiel, tantôt en-deçà de l’État tantôt par-delà, signalant ainsi une résurgence du droit social dont la nature, le sens et la portée suscitent autant d’inquiétudes qu’un besoin de réflexivité à même le corps social.
Avec les aimables contributions de Chloé Gaboriaux (MCF HDR, politiste, Science Po Lyon, laboratoire Triangle), d’Amélie Nicolas (MCF, sociologue, ENSA Nantes, laboratoire AAU) et de Gaëtan Cliquennois (DR CNRS HDR, sociologue, Nantes Université, laboratoire DCS).
Plan de la séance
- Propos introductif sur la politique de l’axe Solidarité du futur (S. Urbanski)
- Synthèse et relance de la problématisation quant au sens du droit (J. Giry et F. Callegaro)
- Intervention sur la reconnaissance de la contribution des groupements privés à l’intérêt général à la fin du XIXe siècle en France (C. Gaboriaux)
- Échanges autour de ce débordement historique de l’ordre juridique par le droit social
- Intervention sur la réactivation de l’imaginaire du socialisme municipal dans le devenir des colonies de vacances (A. Nicolas)
- Échanges autour des débordements infra-étatiques de l’ordre juridique moderne
- Intervention sur l’influence du secteur privé dans l’adoption du constitutionnalisme global en Europe (G. Cliquennois)
- Échanges autour des débordements supra-étatiques de l’ordre juridique moderne
- Annonce du temps d’historicisation et explicitation de ses enjeux (G. Renou)
Textes d’appui
- Gaboriaux, Chloé. « Chapitre 6. L’émergence d’un intérêt général d’origine privée », in L’intérêt général en partage. La reconnaissance d’utilité publique des associations en République (1870-1914), Paris, Presses de Sciences Po, 2023, pp. 181-209.
- Festa, Daniela. « VI. Biens communs et usages du droit », in Christian Laval et al. éd., L'alternative du commun. Hermann, 2019, pp. 103-114.
- Pinon, Stéphane. « Les visages cachés du constitutionnalisme global », Revue française de droit constitutionnel, vol. 108, no. 4, 2016, pp. 927-938.
- Grossi, Paolo. « Globalizzazione, diritto, scienza giuridica », Foro Italiano, vol. 125, No. 5, 2002, pp. 151/152-163/164, extraits choisis et traduits.
TEMPS D’HISTORICISATION
Cette troisième séance inaugure le temps d’historicisation du séminaire. Celui-ci doit nous permettre d’approfondir l’hypothèse de travail élaborée lors des séances précédentes et d’affiner le diagnostic afférent à notre situation collective actuelle. Et ce, par un retour à la tradition des sciences sociales en Europe et aux tentatives passées d’élucidation du sens du droit qu’elle enferme. Parmi elles figure l'œuvre du sociologue français Georges Gurvitch visant à saisir les débordements de l’ordre juridique moderne, rendu à sa double constitution bourgeoise et libérale, par un droit social inhérent aux sociétés politiques elles-mêmes, qu’expriment dans leurs groupes en se mobilisant aux niveaux infra- et supra-étatiques.
Avec l’aimable contribution de Garance Navarro-Ugé, docteure en droit public, rattachée à l'IRJS (Université Paris 1) et au CESPRA (EHESS).
Plan de la séance
- Propos introductif sur la politique de l’axe Solidarité du futur (S. Urbanski)
- Synthèse de la problématisation sur le sens du droit et perspectives historiques d’élucidation (J. Giry et F. Callegaro)
- Intervention sur la distinction entre droit social et droit individuel, comme alternative à la dichotomie du droit public et du droit privé (G. Navarro-Ugé)
- Échanges autour de la portée de cette distinction dans la résonance des deux crises du libéralisme et du néolibéralisme
Textes d’appui
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Georges Gurvitch, « Définition de la notion du droit social », dans L'idée du droit social, Paris, Recueil Sirey, 1935, p. 15-45.
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Georges Gurvitch, « Application de cette définition à la précision des tendances juridiques contemporaines », dans L'idée du droit social, Paris, Recueil Sirey, 1935, p. 36-45.
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Extraits choisis de Georges Gurvitch par Garance Navarro-Ugé en appui de son intervention.
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Avec l’aimable participation d’Eleonora Bottini (ICREJ, Université de Caen)
Plan de la séance
- De Gurvitch à Mortati : les acquis du droit social au-devant de leur reconnaissance dans les constitutions (J. Giry et F. Callegaro)
- Intervention sur l’histoire conceptuelle de la “constitution au sens matériel” de C. Mortati et son intérêt pour recouvrer une vision sociale du droit
- Échanges autour de l’actualité du concept de “constitution matérielle” dans la pensée juridique contemporaine
Textes d’appui
- Maurizio Fioravanti, « Le dottrine della Costituzione in senso materiale », Historia constitucional: Revista Electrónica de Historia Constitucional, n° 12, 2011, traduit par Francesco Callegaro.
- Costantino Mortati, « Chapitre 2. Le contenu et la nature de la constitution matérielle », dans La Costituzione in senso materiale, Milan, Giuffré, 1998 [1940], extraits choisis et traduits par Francesco Callegaro.
- Eleonora Bottini, « Le droit politique et le dépassement de la sanction en droit constitutionnel », Jus Politicum: Revue de droit politique, n° 24, 2020.
- Giacinto Bisogni, juge de Cassation à la Cour de Cassation italienne, « L’actualité de la pensée de Costantino Mortati et la constitution matérielle de l'Europe », conférence dans le cadre du colloque international La constitution matérielle de l'Europe, organisé par Céline Jouin et l'équipe de recherche Identité & Subjectivité (EA 2129), 12-13 octobre 2017, Université de Caen, vidéo disponible ici.
Lien de connexion pour un suivi à distance de la séance : https://univ-nantes-fr.zoom.us/j/83527304572
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Avec l’aimable participation de Céline Jouin, maître de conférences HDR en philosophie politique et en philosophie du droit à l’Université de Caen-Normandie et membre de l’équipe d’accueil Identité et Subjectivité.
Plan de la séance
- Aux origines du problème du sens du droit : l’alternative de la souveraineté (Hobbes) et du gouvernement (Althusius), comme refoulé des sciences sociales contemporaines (F. Callegaro et J. Giry)
- Discussion croisée autour de l’héritage d’Althusius par Otto von Gierke au regard de l’alternative précédemment dégagée des deux perspectives du droit social
- Echanges avec les participants sur la base des trois textes d’appui communiqués en amont.
- Conclusion du temps d’historicisation et annonce du temps de théorisation (septembre-octobre)
Textes d’appui
- Otto von Gierke, « Chapitre 6. L’idée d'État de droit.», in Althusius et le développement des théories politiques du droit naturel, édition et traduction de l’allemand par Céline Jouin, Paris, Classiques Garnier, 2021, p. 255-290.
- Céline Jouin, « Le moment Gierke », dans Otto von Gierke, Althusius et le développement des théories politiques du droit naturel, édition et traduction de l’allemand par Céline Jouin, Paris, Classiques Garnier, 2021, p. 9-88.
- Giuseppe Duso, « Come pensare un’Europa federale. La lezione di Althusius », Costituzionalismo.it, Fasicolo 1, 2024, Editoriale Scientifica, texte traduit par Francesco Callegaro et Johan Giry.
TEMPS DE THÉORISATION
Cette sixième séance inaugure le troisième et dernier temps, dit de théorisation, de cette édition 2024 du séminaire général consacrée à la catégorie du droit. Forts de la redécouverte d’importants jalons de la tradition européenne des sciences sociales relatifs à la saisie des phénomènes juridiques comme autant de faits sociaux, permise par le temps précédent, on a lieu à présent de discuter d’œuvres contemporaines ayant fait retour sur le problème catégoriel qui nous occupe à partir des enjeux de notre présent critique. Parmi celles-là, la sociologie politique du droit de Jacques Commaille mérite d’être considérée avec attention, tant il s’est efforcé à penser tout à la fois contre le « monisme juridique d’État » et le réductionnisme du « paradigme de la domination », et ce, jusqu’à élaborer un « modèle de la légalité duale » réputé à même de rendre compte des évolutions croisées ainsi que des interactions entre régulations juridiques et régulations socio-politiques. Il s’agira alors pour nous de comprendre tout à la fois l’inscription de ce modèle dans la tradition dont il a été précédemment question et la manière dont il appréhende les débordements contemporains de la loi par le droit social.
Plan de la séance :
- Trois conceptions du droit social pour situer la sociologie juridique contemporaine dans l’histoire (Johan Giry et Francesco Callegaro)
- Intervention de Jacques Commaille sur la double actualité du droit saisi d’un point de vue social, dans son œuvre et notre présent critique.
- Échanges avec les participants sur la base de la présentation et des deux textes d’appui.
Textes d’appui
- Jacques Commaille, « Les Legal Consciousness Studies selon Susan Silbey : une dissonance entre données empiriques et ressources théoriques ? ». Droit et société, 2018/3 N° 100, 2018. p.657-664.
- Jacques Commaille, « Les enjeux politiques d’un régime de connaissance sur le droit. La sociologie du droit de Georges Gurvitch ». Droit et société, 2016/3 N° 94, 2016. p.547-564.
Textes d’appui
- Alain Supiot, Grandeur et misère de l'État social (Fayard, 2013), extraits choisis.
- Alain Supiot, La Justice au travail (Seuil, 2022), extraits choisis.
Sous réserve de la participation de l’auteur.
Textes d’appui
- Álvaro García Linera, La comunidad ilusoria (Penguin Libros, 2023), extraits choisis et traduits.